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Le séquençage d’ADN pour identifier des moisissures

Lundi, 22 octobre 2018
Le séquençage d’ADN pour identifier des moisissures

Elles sont petites, insidieuses et potentiellement néfastes. Des écoles ont été fermées en raison de leur présence. Et de nombreux travailleurs éprouvent des problèmes respiratoires lorsqu’elles se retrouvent dans l’air. Pourtant, les méthodes traditionnelles pour repérer les moisissures ne permettent pas d’établir un portrait global de leur présence. Hamza Mbareche propose d’utiliser des technologies de séquençage d’ADN pour y parvenir.

« L’objectif de mes travaux est de développer une nouvelle approche au niveau des gènes et d’examiner ce qu’elle peut nous offrir comme informations pour étudier la diversité des moisissures présentes dans l’air », résume le jeune chercheur, qui vient de remporter le prix Acfas IRSST pour le doctorat en santé et sécurité du travail.

Une reconnaissance qui agit comme un baume sur une année que Hamza Mbareche qualifie de « difficile sur le plan personnel ». En l’espace de quelques mois, l’étudiant au doctorat en microbiologie à l’Université Laval a subi trois opérations chirurgicales. « J’avais tellement peur que ça ralentisse mon projet de doctorat, mais ç’a plutôt eu l’effet contraire », raconte le jeune homme. « Des fois, dans les moments les plus difficiles, c’est là que l’on trouve la plus grande motivation », dit-il.

Hamza Mbareche mène ses travaux au sein du laboratoire sur les bioaérosols de la professeure Caroline Duchaine à l’Université Laval. Rapidement, le chercheur a centré son intérêt sur les moisissures. Or l’étude de la diversité de ces particules présentes dans l’air est limitée par les méthodes de culture classiques, explique-t-il. « Elles ne permettent pas de voir l’ensemble des moisissures présentes puisqu’il y a une grande partie pour laquelle on ne connaît pas les conditions de croissance et qui est donc sous-estimée. »

Hamza Mbareche décide alors d’avoir recours au séquençage d’ADN, une avenue qui est de plus en plus utilisée en biologie microbienne. Trois milieux, ciblés en raison de leur grande concentration de moisissures et de la diversité importante des particules qui s’y trouvent, ont alors été visités par le doctorant. Tour à tour, Hamza Mbareche a prélevé des échantillons d’air dans des sites de compostage — où la présence de moisissures est indispensable pour que le processus de dégradation de la matière organique s’opère —, dans des usines de biométhanisation — où les gaz produits par la dégradation de la matière organique permettent de produire de l’énergie — et dans des fermes laitières — où le foin et la nourriture du bétail favorisent l’apparition de moisissures.

Une fois le protocole bio-informatique mis en place pour traiter la grande quantité de données produites par le séquençage à haut débit, deux régions du gène ont été analysées : ITS1 et ITS2. « On a tenté d’établir quelle région du génome des moisissures doit être utilisée pour étudier leur diversité », explique le doctorant.

Alors, quelle région offre le meilleur portrait ? « Si les moyens sont limités, je préconiserai d’analyser ITS1. Mais si le budget le permet, ITS1 et ITS2 devraient être utilisés pour avoir un portrait plus global sur le plan taxonomique. »

Pendant qu’ITS1 produisait des indices de richesse et de diversité plus élevés, ITS1 et ITS2 offraient des résultats différents au chapitre de l’identification des espèces présentes.

« On va bientôt appliquer une autre méthode, la métagénomique — avec laquelle on ne cible pas un gène en particulier, mais plutôt tous les gènes qui sont présents dans un échantillon — pour déterminer si le profil ressemble plus à ITS1 ou ITS2 », précise le chercheur.

Une recherche très pointue, mais qui pourrait trouver une application concrète dans le quotidien de bien des gens. « On fait de la recherche fondamentale, mais les résultats qu’on obtient sont applicables dans le domaine beaucoup plus vaste de la santé publique », dit avec enthousiasme le doctorant.

Hamza Mbareche estime que la méthode qu’il a développée pourrait être appliquée à tous les environnements présentant un problème de moisissures. « Cela permettrait de connaître la diversité des moisissures présentes et après on pourrait se pencher plus en détail sur celles qui peuvent représenter un risque pour la santé des occupants », explique-t-il.

Après avoir terminé son projet doctoral, Hamza Mbareche aimerait élargir son expertise en étudiant la transmission des virus dans des environnements intérieurs, dans le cadre d’un stage postdoctoral effectué à l’étranger.

Source : Le Devoir